Pour la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques, la scolarisation d’élèves en situation de handicap est une chance et un défi pour l’École parce qu’elle l’interroge profondément et doit lui permettre de se rendre accessible à toutes et tous.

Des difficultés bien réelles

La scolarisation d’élèves en situation de handicap est en forte hausse (+225% entre 2004 et 2022). Cette hausse n’est pas sans poser de réelles difficultés, voire de la souffrance, et le risque existe d’une remise en question du principe même de l’école inclusive.
Atteindre enfin pleinement à l’École les objectifs de la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap, suppose de prendre des mesures fortes pour que les personnels, les élèves et les étudiant·e·s vivent mieux la révolution de l’inclusion.
C’est un enjeu majeur alors que nombre de signalements au registre Santé et sécurité au travail d’une part, et nombre de saisines des médiateur·trice·s par les usager·e·s et les agent·e·s d’autre part, concernent les modalités de scolarisation des enfants et des jeunes en situation de handicap.
La complexité des situations vécues par les élèves a un impact sur les conditions de travail des personnels.

L’absence de réponses adaptées conduit à la scolarisation d’élèves dans le système éducatif sans l’accompagnement nécessaire matériel et humain, pour les élèves comme pour les adultes. L’État n’assumant pas ses ambitions, cela conduit à des situations qui ne répondent pas aux besoins de l’élève et qui vont jusqu’à mettre en péril le bienêtre et la sécurité des élèves et des personnels.

Répondre aux problèmes immédiats et engager les transformations nécessaires

Pour une école pleinement inclusive, il est indispensable de répondre aux problèmes immédiats et engager les transformations et les moyens nécessaires avec une vision à long terme pour permettre pleinement l’épanouissement et la réussite de tou·te·s les élèves et tou·te·s les étudiant·e·s.

Il faut aussi reconnaitre et mieux traiter toutes les différences et difficultés en partant des besoins de l’élève et de l’étudiant·e : besoins thérapeutiques (soins le cas échéant), besoins éducatifs, besoins sociaux, besoins pédagogiques. Ainsi, le rapprochement des professionnel·le·s du secteur médicosocial de celles et ceux de la filière Santé-social et de l’enseignement spécialisé de l’Éducation nationale est une nécessité pour apporter des réponses à tout type de difficulté. En effet, les enseignantes et les enseignants ont besoin du soutien et de l’expertise d’autres professionnel·le·s pour pouvoir gérer l’hétérogénéité croissante de nos classes, l’augmentation du nombre d’élèves à besoins particuliers. Il est nécessaire que cette aide ne se limite pas à un accompagnement théorique comme c’est souvent le cas actuellement. À ce sujet, la revitalisation des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) est indispensable.

Des mesures d’urgence

À court et moyen termes, il faut soulager les élèves et les collègues en difficulté voire en souffrance.

Cela suppose en premier lieu que l’Éducation nationale s’organise pour répondre aux besoins des équipes pédagogiques, et pour gérer efficacement les situations de crise. Trop d’alertes, de signalements dans les registres SST liés aux conditions de mise en œuvre de l’école inclusive restent sans réponse et laissent les personnels dans le désarroi.

Nous proposons :

  • la constitution ou la consolidation d’équipes d’appui pour intervenir sans délai pour soutenir et aider les équipes pédagogiques à surmonter les difficultés rencontrées ;
  • un soutien effectif et rapide de la part de la hiérarchie, ce qui implique une écoute active, la capacité à réorganiser les emplois du temps et à déployer une formation spécialisée d’urgence, à prendre le temps de l’analyse des situations éducatives ;
  • des moyens budgétaires à la hauteur et disponibles rapidement pour un matériel adapté à l‘élève en inclusion ;
  • l’affectation de plus d’adultes dans les écoles et établissements pour permettre des accompagnements adaptés des élèves et de leurs familles. C’est tout particulièrement indispensable dans les écoles maternelles et élémentaires : c’est en effet à ces niveaux du système éducatif que l’accompagnement des familles, parfois dans la découverte de la situation de handicap de l’enfant, est le plus délicat. En découle une forte charge de travail, à laquelle s’ajoute une charge mentale et émotionnelle qui perdure au-delà du temps professionnel. C’est aussi à ces niveaux d’enseignement qu’il y a le moins d’adultes, quasi toutes et tous en charge de classe.

Nos revendications pour une école pleinement inclusive

Cependant, compenser avec des moyens pour que l’élève s’adapte à l’école ne peut suffire. Pour une récole réellement inclusive Il faut aussi et surtout la repenser pour la rendre plus accessible.

Pour rendre l’école inclusive, nous revendiquons ainsi :

  • l’affectation de personnels spécialisés dans les écoles ou établissements pour assurer un accompagnement et une formation continue ;
  • du temps et des espaces de dialogue professionnel entre les personnels et/ ou avec des partenaires extérieurs. Ils et elles doivent bénéficier de groupes d’analyse de pratiques et/ou d’un dispositif de supervision ;
  • du temps et de la capacité à concevoir une pédagogie accessible pour permettre des modalités et des rythmes d’accès aux apprentissages variables. Sans cela, le travail que suppose une école inclusive est empêché et les agent·e·s sont confronté·e·s à des objectifs contradictoires ;
  • l’évaluation de chaque élève sur la base de sa progression individuelle avec un parcours adapté à ses aspirations, ses besoins et ses aptitudes, sans référence unique et permanente à une norme supposée universelle et à un référentiel de niveau. Cela implique l’abandon des évaluations nationales standardisées dont le format, la conception et la philosophie même, contredisent les politiques d’inclusion ;
     l’accompagnement de l’évolution des programmes et pratiques pédagogiques vers une conception universelle de l’apprentissage. Cela implique de réduire la quantité de notions exigibles pour s’attacher à la qualité des apprentissages, de concevoir des programmes compatibles avec une logique curriculaire et une logique de cycle, de favoriser des situations collectives d’apprentissage ;
     la réduction et le plafonnement effectifs, notamment en fonction de l’indice de position sociale (IPS) et du nombre d’élèves à besoins particuliers. Le calcul des dotations doit s’établir en comptabilisant tou·te·s les élèves accueilli·e·s même pour quelques heures (unité localisée pour l’inclusion scolaire-Ulis, unité pédagogique pour élèves allophones arrivants-UPE2A,etc.) ;
    • l’inscription de la dimension inclusive de l’École dans tous les modules de formation initiale et de formation continue. Il faut aussi une formation obligatoire, assurée en début d’année, pour les personnels accueillant et prenant en charge des élèves en situation de handicap souffrant de troubles divers : enseignant·e·s, AESH, agent·e·s territorial·e·s spécialisé·e·s des écoles maternelles, services civiques, assistant·e·s d’éducation (AED), conseiller·e·s principales·aux d’éducation (CPE) ;
    • la création, dans les écoles et les établissements scolaires, d’espaces d’accueil pour les élèves les plus éloigné·e·s de la norme scolaire pour pouvoir accueillir temporairement les élèves qui, compte tenu de leurs besoins spécifiques, ne supportent plus de rester en classe, ou lorsque l’enseignant·e organise une activité incompatible avec les comportements et les besoins de l’élève. Cet accueil est temporaire parce qu’il s’inscrit dans le principe de l’inclusion et il peut bénéficier à tou·te·s les élèves. Cela suppose aussi la présence de personnel spécialisé : éducateur·trice et accompagnant·e d’élèves en situation de handicap spécialement formé·e ;
     l’ouverture d’unités d’enseignement maternelle autisme (UEMA) dans davantage de circonscriptions.

Un nouveau statut pour les AESH

Construire une École pleinement inclusive nécessite aussi d’améliorer le statut des AESH. Les AESH doivent accéder à un statut de la fonction publique de catégorie B. La CFDT revendique l’amélioration des rémunérations et du cadre d’emploi des AESH, ainsi que la fin du temps incomplet imposé.

Pour avancer dans cette voie, nous portons les exigences suivantes :

  • la redéfinition des contours du métier doit se faire en cohérence avec ceux de l’ensemble des professionnel·le·s intervenant pour les élèves et étudiant·e·s en situation de handicap. Elle doit s’allier aux réflexions sur le temps de travail ;
  • il faut mettre fin à la précarité du statut d’AESH : la création d’un corps de fonctionnaires de catégorie B et tout de suite : le recours, dès l’embauche, au CDI pour les personnels AESH puisque celles-ci et ceux-ci occupent des emplois pour lesquels il n’existe pas de corps de fonctionnaire correspondant ;
  • l’agent·e doit pouvoir réellement choisir sa quotité de travail ;
  • une réelle formation initiale doit être proposée, de même que des formations continues d’adaptation aux handicaps accompagnés ;
  • le niveau de qualification des agent·e·s doit être reconnu.

La CFDT revendique un temps plein pour tous les personnels AESH. Cela passe notamment par la réévaluation de la part des heures connexes.

Nous revendiquons :

  • l’évolution du calcul du volume d’heures connexes : la règle actuelle est de multiplier par cinq le nombre d’heures hebdomadaires en présence de l’élève ; ce rapport doit être augmenté ;
  • la prise en compte du temps de déplacement entre deux établissements dans le temps de travail effectif (ce que prévoit la règlementation) et non dans les heures connexes comme c’est trop souvent l’usage ;
  • la reconnaissance du temps consacré aux réunions, aux échanges avec les autres professionnel·le·s sur un lieu de travail ;
  • la définition d’un temps annuel de formation dans le temps de travail des AESH.

Inclusion des personnels en situation de handicap : il reste beaucoup à faire

Rendre l’école inclusive ne concerne pas que les politiques au service des élèves en situation de handicap, mais doit concerner aussi les politiques au bénéfice de tous les personnels. À défaut, l’absence de congruence alimente la défiance des agent·e·s par rapport à leur employeur, et mine les fondements de la rénovation pour une institution résolument inclusive.
Le handicap ne doit plus être un obstacle pour accéder à l’emploi ni pour occuper un poste de travail. Il faut aussi lever les freins à la déclaration des personnels en valorisant les parcours de réussite, et en organisant des évènements plusieurs fois par an autour de la visibilisation des handicaps.

L’employeur public, les directions des établissements privés doivent se conformer à la loi et être plus actifs pour pourvoir les postes réservés, proposer des postes aménagés et adaptés à tous·tes les candidat·e·s en situation de handicap, reconnaitre et renforcer le statut d’accompagnant·e des personnels en situation de handicap et en recruter autant que nécessaire.

Les personnels en charge du suivi des agent·e·s en situation de handicap doivent avoir de réels moyens d’action, c’est-à-dire du temps et de la légitimité, pour prendre des mesures en faveur de la politique d’accompagnement des personnels en situation de handicap.
Nous revendiquons aussi la mise en place de modules de formation continue à destination de tous les personnels qui auraient trait aux problématiques du handicap, afin de faire reculer de façon plus volontariste le validisme par ignorance.

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